samedi 14 mars 2009

Souriez ! Vous êtes filmés, Attention ! Vous êtes fichés

«Si autrefois tous les chemins menaient à Rome, aujourd’hui la voie incontournable passe par les NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication)».

Depuis la période des guerres mondiales et de la guerre froide, le monde n'a jamais eu aussi peur comme aujourd'hui.

L'attentat terroriste du 11 septembre a révolutionné le système de sécurité publique du monde entier. Les mesures de sécurité sont devenues draconiennes -une forme de protection de plus en plus préventive à la croisée du chemin entre les libertés fondamentales et la sécurité publique. Dans ce vaste champ juridique, chaque entité cherche à agrandir son territoire. Trop de mesures de sécurité empiètent sur les libertés fondamentales, et trop de libertés aussi affaiblissent le système de sécurité publique. Le juste milieu tarde à se faire comprendre. Ainsi, voit-on développer un système de surveillance ou de contrôle des citoyens et citoyennes. Les cameras de surveillance, les écoutes téléphoniques, les fichiers électroniques, la conservation des données informatiques, toute une batterie de mesures mise en place pour assurer la distribution d’une sécurité plus ou moins sûre mais qui de part leurs caractères drastiques, ne font que porter atteinte à la vie privée de gens, à leurs libertés d’aller et venir, à leurs droits à l'emploi, leurs libertés d’expression, leurs libertés de réunion et syndicale etc.

Les étrangers sont devenus la cible de ces trains de mesures dont la plupart se sont vus ficher sans avoir été informés au préalable. Le nouveau système mis en place dans le traitement des demandes de visa est la donne de cette politique. Pour une simple demande de visa, qu'il soit octroyé ou non, l'étranger est fiché. (Règlement européen CE n° 767/2008 VIS. Vu l'accroissement des fichiers au niveau français et communautaire, rien ne justifie que ceux qui ont vu rejeter leurs demandes de visa n'ont pas été fichés.

La libre circulation des citoyens garantie par l'article 18 du Traité de la Communauté européenne (Traité de Rome du 29 mars 1957-TCE) et par certains accords bilatéraux (dispense de visa), va connaître une certaine restriction par l'introduction du passeport biométrique. (Décret n°2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports).

Le 24 juin 2009, la Commission européenne a proposé la création de "BIG BROTHER" ayant pour objet de créer une agence chargée de la gestion opérationnelle des systèmes d'information au niveau européen (SIS, VIS et EURODAC) en application du Titre IV du traité CE (article 66). On craint à un durcissement des règles avec la préparation du Dublin II. A rappeler que la Convention de Dublin sur la détermination de l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile (15 juin 1990) dite Dublin I, disposait de règles plus ou moins souples en matière de mobilité d'accueil des demandeurs d'asile dans l'espace européen.

Cette politique n'est pas une nouveauté, l'agence sur les Services Frontaliers du Canada (ASFC) regroupant certaines données transfrontalières entre le Canada et les États-Unis constitue un exemple phare de cette proposition européenne.

Il faut s'attendre à un élargissement de ces principes au niveau inter américain dans les prochaines années dans le but comme cela a toujours été le cas, d'intensifier la sécurité régionale.

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (16 août 1789), la Déclaration universelle des droits de l'homme (10 décembre 1948) ainsi que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH du 4 novembre 1950), constituent le mécanisme juridique fondamental des libertés individuelles. Ces valeurs ont été confirmées et complétées par le préambule de la Constitution de 1946 (27 octobre 1946, 5ième République France). Les seules restrictions qui y sont reconnues, ne peuvent être appliquées que dans le but pour lequel elles ont été prévues (Art 18 de la CEDH).

Pour ce qui à trait aux atteintes à la vie privée et familiale, l'article 8 alinéa 2 mentionne en outre, "Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui".

La problématique par rapport à l'accroissement de ses mesures restrictives de liberté est de savoir, si vraiment elles sont proportionnées au but visé.

Les libertés fondamentales sont des principes souverains attachés à la personne humaine. Elles sont inaliénables et imprescriptibles.
Le besoin de sécurité peut-il justifier une banalisation des atteintes à ces libertés?
Si on voulait répondre par la négative, elle serait partagée par de nombreux auteurs et juristes dont Monsieur Patrick GAUBERT Député européen et Président de LICRA dans son essai intitulé " Les Droits de l'homme ne se négocient pas" Édition Archipel 2009.

Cependant, Force est de constater, malgré ces gardes fous, la faiblesse des législations actuelles à protéger les usagers du web, sur leur vulnérabilité à détecter des informations incertaines, des arnaques transfrontalières, des actes de banditismes prémédités et manifestés en ligne, des collectes d’informations frauduleuses ou détournées à des buts mercantiles etc.

Cette nouvelle forme d’insécurité n’a pas de frontière. Les risques sont potentiels. On peut être victime aussi bien par un chauffard en faisant une promenade sur la route que par « un cyberdélinquant» (Délinquant électronique) qui cherche à porter atteinte à la vie, aux biens, aux bonnes mœurs et à la pudeur sur la toile.

Jusqu’à présent, aucun système matériel ou juridique n’arrive pas à appréhender et empêcher les tueries des malades mentaux sur des pauvres gens dans des lieux publics qui ont été pourtant postées sur la toile bien avant leurs perpétrations. Les cyberdélinquants des pays pauvres se croient légitime d'arnaquer des citoyens des pays riches, profitant d'une certaine vulnérabilité autrefois inconnue. Tandis que "la lutte entre les policiers et les délinquants est une course contre la monte: plus la police est efficace, plus cela incite les criminels à changer leurs méthodes, leurs fréquentations, rendant ainsi obsolètes les informations contenues dans les fichiers"
Les Fichiers de Police et de gendarmerie, A.BAUER, C.SOULLEZ, Ed.Q, P.16.

La Loi pour la Confiance dans l'Économie Numérique dite LCEN manque de perméabilité face à ces nouveaux enjeux.

"La loi pour la confiance dans l'économie numérique, n°2004-575 du 21 juin 2004, abrégée sous les sigles LCEN ou LEN, est une loi française sur le droit de l'internet, transposant la directive européenne 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique. La transposition aurait dû être effective le 17 janvier 2002 mais ne l'aura été que le 21 juin 2004". Wikipédia.

Il est autant nécessaire aux pouvoirs publics, de mettre ces "cyberdélinquants" hors d'état de nuire que d'assurer les libertés fondamentales des internautes. Face à cette dualité, l'État se trouve entre le marteau et l'enclume.

« Souriez ! Vous êtes filmés, Attention ! Vous êtes fichés » est un nouveau sujet mis en ligne sur JuristeMonde ayant pour objectif d’éclaircir certaines zones d’ombre de ces mesures de sécurités et toutes les conséquences qu’elles pourraient engendrer sur certains de nos droits.

Vous êtes invités à participer. Faites-moi part de vos réactions à l'adresse suivante: juristemonde@laposte.net

Me Renaud HYPPOLITE

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